Prendre en photo un modèle, c'est très différent de prendre en photo un passant. Le regard est rarement aussi intense dans les yeux d'un passant que dans celui d'un modèle. Un passant ne met pas autant d'intention dans sa présence que ne le fait un modèle. Après tout le passant n'a pas demandé à être là ; le modèle, si. Bien sûr, certains portraits de passant(e)s sont très beaux, mais cela tient de l'aléatoire. Pour un photographe intéressé comme moi par le portrait, travailler avec un modèle c'est simplement une façon de forcer sa chance.
Les portraits de modèles ne remplaceront pas mes portraits de rue. Ce sont deux disciplines qui dialoguent, se contredisent parfois, se répondent et je tente, dans chacune d'elle, de progresser.
Pour moi, photographier un inconnu c'est saisir un moment fugace : celui qui suit immédiatement la rencontre. Photographier un modèle au contraire ne pose pas une contrainte de temps, mais une contrainte d'espace : ce corps devant moi est disponible pour être capté, à moi de le morceler comme il faut. Lorsque je prends la photo, je ne me rends pas compte de tous les détails enfermés dans mon viseur : il y a des cheveux qui prennent le vent, un soupir qui s'échappe, les yeux changent de couleur parfois. Je ne me rends compte de tout cela que lorsque le film sort de la cuve de développement, et encore. Ce sont parfois les mots des autres qui m'ouvrent les yeux sur mes photos.
Pour moi, photographier un modèle c'est saisir des morceaux de corps dont la réalité fuit sans cesse.
Rolleiflex 2.8E Planar
Ilford FP4+ et Ilford Ilfotec LC29
2 commentaires:
J'avais déjà vu ces photos sur ton flickR, mais je dois dire que mises en scènes comme celà, ça prend tout de suite une autre dimension!
Oui pour une fois j'avoue avoir agi avec préméditation... ;)
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