Non loin de chez moi coule la Loire. Sur la Loire, Saint-Nazaire fait fonction de phare et Nantes se prend pour un petit Paris : îles, péniches, plages improvisées...
Mais la Loire est aussi une vaste poubelle aquatique. En mars 2008, la raffinerie Tot** laissait se déverser pendant deux jours quelques centaines d'hectolitres de pétrole qui décimèrent une bonne partie de l'écosystème, polluèrent les plages ou deux mois plus tard les touristes arrivaient en nombre, comme si de rien n'était... Un peu plus haut une vénérable centrale thermique électrique prend ses quartiers. Des péniches accostent là et déversent quantité de charbon sur une rampe qui s'en va haut dans les airs, passe au-dessus des barbelés et disparaît dans une sorte de moulin à grain obèse et repu.
Dessous, tout est noirci, à commencer par les plantes. Des pêcheurs viennent et s'en retournent avec de gros poissons carbonisés.
Le ciel est bleu ciel
Voici le coin des pêcheurs
L'asphalte s'habille de poudre noire
samedi 30 mai 2009
dimanche 17 mai 2009
Trois ou quatre Nantais
Je continue mes portraits de passant(e)s dans les rues de Nantes... Le portrait procure un plaisir renouvelé. J'aperçois un visage, une tenue qui m'intéresse et pendant quelques instants j'hésite à y aller ou pas. Une fois devant la personne, je demande un portrait de façon très directe mais avec le sourire, et beaucoup me disent oui, mais il y a souvent un flottement pendant lequel la personne semble m'évaluer... Il faut être préparé à essuyer un refus, et parfois les refus font quand même de belles rencontres.
Chloé et son amie (on dirait sa sœur) ont failli refuser : c'était très perceptible... Je les ai flattées sur leur Ray-Ban, en feignant d'ignorer que ça se portait encore... Deux photos plus tard, elles semblaient fières d'avoir affranchi un vieux plouc comme moi. Lorsque j'ai envoyé la photo à Chloé, elle m'a juste répondu « Mouais c'est dommage qu'elle soit en noir et blanc ».
A quelques pas de là, en descendant vers la Place Royale et la rue d'Orléans, je croise un homme affairé qui porte deux gros dossiers. En l'arrêtant je sais que je le dérange. N'empêche, il dit oui et ça me fait plaisir.
Il se met à pleuvoir, je protège mon appareil. Une jeune fille passe encapuchonnée. Elle a un look, quelque chose. Elle s'abrite sous un porche à côté d'un homme âgé qui porte une serviette en cuir. Elle retire sa capuche et allume une cigarette toute noire. Je m'immisce entre eux deux sous le porche. A la regarder tirer sur son drôle de clope, je m'égaye un peu malgré le temps pisseux. « Elle est bizarre votre cigarette. - C'est une cigarette goût chocolat. - Goût quoi ?! - Chocolat. » Je m'adresse alors à l'homme à ma droite : « Ben vous voyez ça, mon bon monsieur, on est complètement dépassé nous maintenant... » et amusé il me répond, en souriant à la jeune fille « Ah oui, complètement ».
Un ange passe... les gouttes de pluie se font plus éparses. Je reprends bien vite : « Bon eh bien maintenant qu'on a sympathisé, vous allez bien m'accorder un portrait ? » Avec le sourire, toujours sincère.
Lorsque je lui envoie la photo par email, Lucile me confie qu'elle attendait que je lui demande un portrait, alors que j'avais commencé par la baratiner sur ses cigarettes en chocolat, histoire d'y venir plus doucement... Comme quoi faut y aller franchement. On m'a demandé comment je m'y prends pour aborder les gens dans la rue, et à quel point je leur demande de poser... En fait, j'essaie vraiment de ne pas "travailler" la pose. Je ne suis pas adepte de la photo préparée, mais pour moi c'est important qu'un portrait soit consenti. Parfois le consentement est implicite (un regard... ), la plupart du temps il est accordé avec un minimum de mots : plus tu parles, plus tu t'éloignes de la probabilité d'une bonne photo à mon avis.
Après ce petit flottement de quelques secondes et le "OUI", je leur laisse le temps de se préparer en leur expliquant que « excusez-moi c'est un peu long parce que je photographie avec des vieux machins ». La plupart des gens à ce moment-là me lancent un regard amusé voire indulgent, et hop! c'est dans la boîte.
Chloé et son amie (on dirait sa sœur) ont failli refuser : c'était très perceptible... Je les ai flattées sur leur Ray-Ban, en feignant d'ignorer que ça se portait encore... Deux photos plus tard, elles semblaient fières d'avoir affranchi un vieux plouc comme moi. Lorsque j'ai envoyé la photo à Chloé, elle m'a juste répondu « Mouais c'est dommage qu'elle soit en noir et blanc ».
A quelques pas de là, en descendant vers la Place Royale et la rue d'Orléans, je croise un homme affairé qui porte deux gros dossiers. En l'arrêtant je sais que je le dérange. N'empêche, il dit oui et ça me fait plaisir.
Il se met à pleuvoir, je protège mon appareil. Une jeune fille passe encapuchonnée. Elle a un look, quelque chose. Elle s'abrite sous un porche à côté d'un homme âgé qui porte une serviette en cuir. Elle retire sa capuche et allume une cigarette toute noire. Je m'immisce entre eux deux sous le porche. A la regarder tirer sur son drôle de clope, je m'égaye un peu malgré le temps pisseux. « Elle est bizarre votre cigarette. - C'est une cigarette goût chocolat. - Goût quoi ?! - Chocolat. » Je m'adresse alors à l'homme à ma droite : « Ben vous voyez ça, mon bon monsieur, on est complètement dépassé nous maintenant... » et amusé il me répond, en souriant à la jeune fille « Ah oui, complètement ».
Un ange passe... les gouttes de pluie se font plus éparses. Je reprends bien vite : « Bon eh bien maintenant qu'on a sympathisé, vous allez bien m'accorder un portrait ? » Avec le sourire, toujours sincère.
Lorsque je lui envoie la photo par email, Lucile me confie qu'elle attendait que je lui demande un portrait, alors que j'avais commencé par la baratiner sur ses cigarettes en chocolat, histoire d'y venir plus doucement... Comme quoi faut y aller franchement. On m'a demandé comment je m'y prends pour aborder les gens dans la rue, et à quel point je leur demande de poser... En fait, j'essaie vraiment de ne pas "travailler" la pose. Je ne suis pas adepte de la photo préparée, mais pour moi c'est important qu'un portrait soit consenti. Parfois le consentement est implicite (un regard... ), la plupart du temps il est accordé avec un minimum de mots : plus tu parles, plus tu t'éloignes de la probabilité d'une bonne photo à mon avis.
Après ce petit flottement de quelques secondes et le "OUI", je leur laisse le temps de se préparer en leur expliquant que « excusez-moi c'est un peu long parce que je photographie avec des vieux machins ». La plupart des gens à ce moment-là me lancent un regard amusé voire indulgent, et hop! c'est dans la boîte.
Bronica EC-TLII + Zenzanon MC 80mm/2.8
Kodak TMax 400ISO + Agfa Rodinal
1+25, 6 minutes
mardi 12 mai 2009
Maquettes de trains
J'ai fait le portrait d'un type qui vit à deux pas de chez moi, en pleine campagne mais sur le bord de la voie ferrée. C'est un fada de trains qui a transformé les 2/3 de sa maison en exposition permanente de maquettes : trains, avions, bateaux, constructions en Lego, tout y passe ! En fait de musée son hangar est absolument bordélique et foutraque : on y croise dans une semi-pénombre des objets et des meubles glanés au fil des ans sur les vieux quais de gare abandonnés, dans les zones indéterminées où les wagons rouillent en paix.
Ce type est juste un passionné et les gens le prennent pour un môme attardé...
Ce type est juste un passionné et les gens le prennent pour un môme attardé...
samedi 9 mai 2009
Format portrait
Je pratique le moyen format depuis mars 2008 et jusqu'ici je m'étais cantonné au format carré, 6x6. Ce format et la focale standard de 80mm m'ont permis d'apprendre à faire de vrais portraits, car en 24x36 je n'avais aucune méthode et je composais mal.
Il y a trois semaines j'ai reçu un Bronica RF645. C'est aussi un boîtier moyen format, qu'on charge en film 120 (12 poses) ou 220 (24 poses), mais c'est un boîtier moderne. L'ergonomie est excellente et peut rappeler un boîtier reflex pourvu d'un grip. Le boîtier enferme une cellule très précise avec une fonction de mémorisation de l'exposition. L'optique standard est un Zenzanon 65mm/4 et les images sont au format 6x4.5, soit 16 photos sur un film 120. L'obturateur focal assure un piqué remarquable et la visée est télémétrique. Le viseur est extrêmement clair et agréable. Disposé en position verticale (appelée "portrait"), il indique l'ouverture, la vitesse en chiffres digitaux sur le bord gauche dans le viseur. Deux piles CR2 sont nécessaires au fonctionnement du boîtier.
Seul couac : mon boîtier est arrivé avec un télémètre franchement décalé en vertical, quoique aligné en horizontal. Cela m'était déjà arrivé avec mon Konica Hexar RF, boîtier 24x36 hélas réputé pour avoir un télémètre instable. Malheureusement ici rien à faire par mes propres moyens. Je suis donc sur la piste d'une réparation...
Une sortie de deux heures dans les rues de Nantes m'a permis d'essayer malgré tout le boîtier. Je voulais savoir si malgré le télémètre décalé, la mise au point serait à peu près faisable. Le décalage dans le viseur est plutôt gênant, mais pour l'efficacité de la mise au point, je vous laisse juger...
Raymond Depardon, dont j'admire tant de photos, est un utilisateur du Bronica RF645. Le viseur de ce boîtier, orienté en vertical, fait débat : il semble conditionner le boîtier à un usage en mode portrait. Pour cette sortie d'essais, j'ai essayé de ne pas me restreindre au format vertical et pour tout avouer le portrait des trois "workers" disposé en horizontal me semble cohérent.
Par rapport au format carré en 6x6, ce format 6x4.5 est tout de même bien curieux : soit vous composez comme en 6x6 et vous avez deux centimètres de vide au-dessus de votre sujet, soit vous abaissez votre boîtier vers le sol et dans ce cas vous ne cadrez plus seulement le buste, mais aussi la taille. L'avantage est de faire entrer les mains dans la photo.
Pour le clin d'œil, notez que le format 6x4.5 équivaut au format 4:3 utilisé pendant longtemps pour les écrans TV et informatique, et qu'il prévaut encore aujourd'hui dans le format des capteurs (compacts et reflex) en photo numérique.
Il y a trois semaines j'ai reçu un Bronica RF645. C'est aussi un boîtier moyen format, qu'on charge en film 120 (12 poses) ou 220 (24 poses), mais c'est un boîtier moderne. L'ergonomie est excellente et peut rappeler un boîtier reflex pourvu d'un grip. Le boîtier enferme une cellule très précise avec une fonction de mémorisation de l'exposition. L'optique standard est un Zenzanon 65mm/4 et les images sont au format 6x4.5, soit 16 photos sur un film 120. L'obturateur focal assure un piqué remarquable et la visée est télémétrique. Le viseur est extrêmement clair et agréable. Disposé en position verticale (appelée "portrait"), il indique l'ouverture, la vitesse en chiffres digitaux sur le bord gauche dans le viseur. Deux piles CR2 sont nécessaires au fonctionnement du boîtier.
Seul couac : mon boîtier est arrivé avec un télémètre franchement décalé en vertical, quoique aligné en horizontal. Cela m'était déjà arrivé avec mon Konica Hexar RF, boîtier 24x36 hélas réputé pour avoir un télémètre instable. Malheureusement ici rien à faire par mes propres moyens. Je suis donc sur la piste d'une réparation...
Une sortie de deux heures dans les rues de Nantes m'a permis d'essayer malgré tout le boîtier. Je voulais savoir si malgré le télémètre décalé, la mise au point serait à peu près faisable. Le décalage dans le viseur est plutôt gênant, mais pour l'efficacité de la mise au point, je vous laisse juger...
Bronica RF 645 + Zenzanon 65mm/4
Kodak TMax 400ISO + Agfa Rodinal
1+25, 6 minutes
Raymond Depardon, dont j'admire tant de photos, est un utilisateur du Bronica RF645. Le viseur de ce boîtier, orienté en vertical, fait débat : il semble conditionner le boîtier à un usage en mode portrait. Pour cette sortie d'essais, j'ai essayé de ne pas me restreindre au format vertical et pour tout avouer le portrait des trois "workers" disposé en horizontal me semble cohérent.
Par rapport au format carré en 6x6, ce format 6x4.5 est tout de même bien curieux : soit vous composez comme en 6x6 et vous avez deux centimètres de vide au-dessus de votre sujet, soit vous abaissez votre boîtier vers le sol et dans ce cas vous ne cadrez plus seulement le buste, mais aussi la taille. L'avantage est de faire entrer les mains dans la photo.
Pour le clin d'œil, notez que le format 6x4.5 équivaut au format 4:3 utilisé pendant longtemps pour les écrans TV et informatique, et qu'il prévaut encore aujourd'hui dans le format des capteurs (compacts et reflex) en photo numérique.
jeudi 7 mai 2009
Deux par deux
Dans les rues et les places publiques, lorsque je demande un portrait, j'ai remarqué que les gens qui se promènent deux par deux acceptent plus souvent. Je m'interroge : est-ce simplement parce qu'il suffit d'un Oui pour en entraîner un autre ?
Les moments passés seul(e)s dans les rues sont les plus répandus. Toute la journée je croise des solitudes. Lorsque deux personnes m'accordent un double portrait, elles cherchent peut-être à consoler ces moments de solitude en fixant sur la pellicule le souvenir des moments passés à deux.
C'est une compilation de ces derniers mois, aussi je m'excuse par avance : il n'y a d'autre fil conducteur que la présence de deux têtes dans chaque carré*.
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Les moments passés seul(e)s dans les rues sont les plus répandus. Toute la journée je croise des solitudes. Lorsque deux personnes m'accordent un double portrait, elles cherchent peut-être à consoler ces moments de solitude en fixant sur la pellicule le souvenir des moments passés à deux.
C'est une compilation de ces derniers mois, aussi je m'excuse par avance : il n'y a d'autre fil conducteur que la présence de deux têtes dans chaque carré*.
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* Note : A propos de deux têtes par photo, si vous ne la connaissez pas encore je vous renvoie à la magnifique série de double portraits intitulée Joue contre Joue et réalisée par le très talentueux Olivier MINH : ICI !
1. Rolleiflex 2.8E Planar
2. Hasselblad 500C/M + 80mm/2.8 Planar
3. Kowa Six + 55mm/3.5
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