mercredi 22 octobre 2008

Maximilian


Je viens de faire la rencontre de Maximilian, un fou roulant. C'est un grand corps maigre d'une cinquantaine d'années fichu d'une tenue de sport défraîchie par les kilomètres. Maximilian fait le tour de France à pédales. « Maximilian, you are something between Lance Armstrong and Forest Gump, aren't you ? — Nooo. I'am not like Forest Gump... »





Maximilian est américain, d'ascendance polonaise. Il était flic à New York. Un jour, en 2001, il a perdu sept de ses amis, because of terrorists. Ce jour là, il a dit j'ai fini mon job. Phrase radicale dont la richesse de sens m'est apparue plus tard...

Il est parti sur les routes du monde, pédalant contre le vent et la dureté concrète de l'enrobé. Ses gambettes chétives entraînent bon gré mal gré les quatre roues de bicyclette de sa monture bringuebalante. Un Don Quichotte du désespoir. Son vélo a quelque chose du navire glissant sur les gouffres amers baudelairien.

Toutes voiles dehors. Devant, un drapeau américain est déployé sous lequel sont nichés les fébriles objets du quotidien : un cahier de route, une radio accrochée au guidon à l'aide d'un élastique, la montre de son père. A l'arrière, les gilets de sécurité règlementaires Made in China et un drapeau portugais. En connaisseur, il énumère : « Portugal is good. Spain is good. Italy is no good. England is no good. » Avec son accent dur, sa langue pauvre, Maximilian raconte comment la police anglaise l'a arrêté parce qu'il roulait sur des private streets. Ils lui ont proposé trois jours de prison. Il a dit okay : au moins, il a pris une bonne douche. Et puis son vélo était garé sur un parking de la police, alors, tranquille.

Maximilian me demande un peu de tabac. Je lui en donne. « En France, c'est pas facile de trouver du tabac ». Normal, que je lui réponds, ici on a un Président qui aime le sport, alors on ne fume plus. En Espagne, me dit-il, le tabac c'est donné.

Il veut aller à Redon. Combien de kilomètres sous les rafales de pluie ? Je ne sais pas. Lorsqu'il est arrivé en France par le sud, Maximilian avait déjà enregistré un parcours de plus de 85 000 Km dans le Guinness Book. Ce n'est pas la première fois qu'il vient nous rendre visite : il connaît déjà Brest et la Bretagne. Dans son cahier rouge à spirale, il me montre également les vestiges de son "Afrika trip". Des bouts de scotch jaunis, des tampons apposés très solennellement par les gendarmeries. Parfois, supplément d'âme, un commentaire personnel : Bravo ! Bon courage ! Bravo ! Bravo !





Un jour à Amsterdam, le dérailleur laissera s'échapper la chaîne. « Then you'll go back to America ? — No, I won't. — Even with Obama as President ? — I don't do politics, I don't do religions. Ninety nine percent of people are normal : they have their religion, their politic opinions, their things. I am the one percent. I own nothing. I smoke and I am here. I travel since six years. »

« Max, everyone may have a "one percent" inside, but they just don't face it ? ». Bon. Ça lui va, apparemment. On échange une poignée de mains. Je note l'adresse de son site web inscrite sur le cadre, à côté de la liste des pays qu'il a traversés pour oublier. Et je pars, le laissant terminer sa cigarette sur une route de campagne, sous la pluie quelque part entre Nantes et Redon.






Hexar AF + Velvia 50 (diapo)

1 commentaire:

Julie Delporte a dit…

ça, c'est du bicycle...