jeudi 27 mai 2010

Reala, réalités d'hier

Je vous ai déjà raconté comment j'ai pris plaisir à prendre des photos grâce à un compact autofocus, l'Olympus Mju: II. Après l'avoir utilisé abondamment entre 1998 et 2000, je me suis offert en 2000 mon premier reflex : un Canon 500N, boîtier grand public vendu avec deux culs de bouteilles 28-80mm et 80-200mm. Au bout de 6 mois à peine, alors que je fréquentais un magasin d'occasion photo rue Jean Jaurès à Brest, j'ai troqué mes deux zooms contre un 50mm f/1.8, puis plus tard j'ai troqué l'ensemble contre un vieil OM-10 muni d'un 50mm f/1.4.

C'est cet ensemble, malheureusement en mauvais état de fonctionnement, que j'ai trimballé à Venise à l'été 2002, chargé de Reala...








En décembre 2003 et janvier 2004, j'ai participé à la création d'une pièce de théâtre en tant qu'assistant à la mise en scène. En fait, mon boulot se résumait à acquérir une connaissance livresque complète de l'auteur, ainsi qu'à être présent à chaque moment des répétitions.

Assis à tous les rangs de fauteuils en velours rouge, je m'ennuyais bien souvent... et j'avais dans la poche mon deuxième Mju: II (celui que j'utilise encore) chargé de Reala.











Récemment, Kirk Tuck a publié un énième billet génial sur son blog dédié à la photo. Il y explique pour résumer qu'en acquérant une technique et des exigences d'expert, nous finissons par substituer à la réalité des choses que nous photographions une réalité technique basée sur des critères techniques (la netteté, le flou d'arrière plan, la règle des trois tiers, l'exposition, le
modeling, etc). Nous nous éloignons donc progressivement de ce qui a au départ attiré notre œil et notre inconscient, cette part de réalité à peine palpable et si difficile à restituer lorsqu'on réfléchit trop avant de déclencher.

De là, Kirk Tuck développe une mise en perspective intéressante : la mode des appareils
cheap viendrait, pense-t-il, en réaction à cette recherche du geste photographique spontané et sans possibilité de complication technique : votre œil aperçoit quelque chose, clic ! aussitôt c'est dans la boîte. Mais en fait, avons-nous besoin de dégrader la qualité de notre matériel pour préserver notre réactivité au réel ? Sans doute pas.

Ce qu'il faut, c'est que la passion pour l'équipement matériel ne soit pas un obstacle, mais une multiplicité de moyens pour accéder au même résultat : préserver le regard que nous portons sur les choses, même lorsque nous n'avons aucun appareil devant les yeux. Parce que la qualité d'une photo n'est pas dans le sujet, mais dans le regard qui se porte sur le sujet. Il s'agit de restituer une part de réalité subjective.

Ces derniers temps, je ne développais plus mes pellicules, persuadé de ne faire rien de bon. Et puis petit à petit, j'ai commencé à me promener dans mes archives, de plus en plus loin... et j'ai trouvé des images que j'aimais. Des images que j'avais saisies spontanément, à une époque où je ne connaissais strictement rien à la technique photo. J'aime les images ci-dessus, qui ne sont en rien parfaites ou exemplaires. Elles expriment une part de réalité subjective saisie à deux moments distincts de mon existence. Cette réalité subjective se poursuit forcément aujourd'hui dans le regard que je porte sur mes sujets photographiques. Alors pourquoi tout arrêter, alors que tout continue ?


Les sujets sont là, inépuisables, à la portée d'un regard.

8 commentaires:

Francois a dit…

merci pour le lien, je ne connaissais pas.

Je suis globalement assez d'accord avec l'idée que la photographie "lo-fi" soit une réaction à l'excès de technique, que je nuancerais par une histoire de mode. A côté de ça dans un monde où chaque sortie d'appareil photo se trouve décortiquée, analysée, testée, je pense que la technologie a encore de beaux jours devant elle et que beaucoup vont continuer confondre technologie et photographie.

Maxime a dit…

Billet très intéressant, et qui évoque à mes yeux les doutes de tout photographe qui s'interroge un minimum sur son matériel.
Je me suis reconnu dans ton dernier paragraphe : mes premières photos (tout est relatif, ça ne fait même pas un an que je suis accro à l'argentique) me semblent dix fois plus agréables à voir que celles que j'ai fait il y a quelques instants. Mais alors n'y a-t-il pas plus qu'une simple question de spontanéité?
Le temps n'a-t-il pas fait son rôle et donc donné quelque chose qu'il est le seul à donner : le recul ? Si tes photos te semblent belles aujourd'hui, est-ce vraiment seulement à cause de la sorte de témérité de ton œil ?

En tout cas, c'est toujours un plaisir de lire et de voir le contenu de ton blog.

Nicolas a dit…

Mes chers lecteurs, les questions que vous posez me semblent à ce point pertinentes... que vous me permettrez de ne pas essayer d'y apporter une réponse.

Alexandre B. a dit…

Salut Nico,

je passe régulièrement mais ne poste pas de message préférant les poster sur MFPassion

mais ce dernier billet est tellement juste et me correspond tellement que je voulais te dire merci ;)

alex aka melanie ;)

Nicolas a dit…

Merci Alexandre, je suis ravi que tu te sentes concerné. ;)

Maxime a dit…

(Moi qui pensait avoir à attendre des réponses =p)

Denis G. a dit…

Dans "le tir photographique", il y a un chapitre sur "l'esthétique de l'oeuvre", où Henri Cartier Bresson parle un peu de technique mais aussi du plaisir de voir. Il y a en encart la photo d'un appareil en bois qui ne lui servait à rien d'autre qu'à se promener et à prendre des photos "éphémères" qu'il ne garde que pour lui. (le résultat tehnique n'a donc aucune importance!!!). Extrait:
"C'est Saul Steinberg qui m'a offert cette oeuvre, un objet magnifique de son invention: un appareil photo formé d'un bloc de bois, un charnière simulant le viseur, un gros écrou simulant l'objectif. [...] cela me rend tout aussi heureux de faire semblant de photographier avec ce faux Leica qu'avec un vrai."
HCB, Le Monde, 5 sept. 1974

Le plaisir de la prise de vue et le plaisir de l'image ne se ramènent donc pas qu'à des questions de technique.

Kalai Winlly a dit…

I was in Venice on the Wednesday, I LOVE VENICE and ROME, but ROME is interesting on the part of everyday life, not monuments.